[Récit de l'année 2013] [*****] Rabobank Cycling Team 2014 3/3

Après le Tour de Catalgone, l’Espagne accueille un second tour de top niveau, cette fois dans le Pays Basque. Les coureurs locaux ont pris l’habitude d’y brilller, notamment Mikel Nieve. Il y a deux ans, il remportait l’étape reine à Eibar Arrate, avant de récidiver avec une seconde place l’an dernier. Cependant, le coureur d’Euskaltel avait à chaque fois craqué lors du traditionnel chrono final. En 2012, ce fut Luis León Sánchez, très régulier toute la semaine, qui terminait en beauté son début de saison exceptionnel ; vainqueur de Paris-Nice, 2ème du Tour de Catalogne et vainqueur du Tour du Pays Basque ! Basso et Tony Martin complétaient le podium. L’an dernier, Intxausti et Samuel Sánchez avaient levé les bras devant leur public, mais avaient été surpris par Pierre Rolland sur l’étape d’Arrate. Le français avait ensuite résisté à Menchov et Contador lors de l’épreuve chronométrée. Le dénouement avait toutefois été indécis jusqu’au bout, puisque Contador ne pointait au final qu’à 7 secondes, tandis que le russe nourrissait des regrets, classé dans le même temps que Rolland ! Les deux Sánchez avaient complété le top 5 à moins de 30 secondes.

Pour cette nouvelle édition, Pierre Rolland est bien présent pour défendre son titre mais ne part pas pour autant favori. Ce statut est plutôt réservé à Contador et Valverde, impressionnants vainqueurs respectifs du Tour de Catalogne et de Tirreno. Le plateau est par ailleurs très relevé avec bien sûr Nieve, mais aussi Van den Broeck et Vanendert, Nibali et A.Schleck, Costa, Albasini et Wiggins, De Gendt, Kreuziger, Mollema, Luis León Sánchez, Froome, Anton et Menchov, sans oublier les spécialistes du contre-la-montre pouvant résister dans les bosses, comme les Sky-men Boasson Hagen, Porte et Thomas, et bien évidemment Tony Martin.

Dans tous les cas une chose est sûre : ce Tour du Pays Basque débutait par des étapes tout ce qu’il y a de plus classique, avec un enchainement de petites bosses plus ou moins raides, et généralement des averses pour pimenter le parcours. Cependant le déroulement le fut moins, puisqu’à chaque fois des coureurs au gros pedigree ont voulu se glisser dans l’échappée du jour. Samuel Sánchez, Peter Velits, Simon Gerrans et Fabian Wegmann se sont notamment s’illustrer, parfois même à plusieurs reprises. Les jambes ne doivent pas encore répondre présent pour eux, de même que celles de Rolland, Evans et Froome, distancés dès le premier jour de course. Pour les deux leaders de la BMC, c’est la deuxième fois que cela leur arrive après le Tirreno… Andy Schleck, lui, a expérimenté une nouvelle technique de descente, les fesses sur le bitume. Ce goût du changement lui coûtera un bon classement final.

Mais revenons à des choses plus intéressantes, puisque la bagarre a fait rage dans le fnal de la première étape. Boasson Hagen, Simon Clarke, Westra et Wegmann furent les premiers à avoir accéléré et à revenir sur l’échappée matinale. Intxausti les a ensuite rejoint dans la dernière bosse, vite imité par Devenyns et Anton. Ces trois hommes sont les seuls à avoir bénéficié d’un bon de sortie pendant que les cadors se neutralisaient à coup d’attaques et de contre-attaques. Mais ils n’en profitèrent pas car, bien qu’il ne reste que 7 kms à couvrir au sommet, trop d’intérêts divergents opposaient les membres du groupe de tête. On se dirigeait alors tout droit vers un sprint en comité réduit lorsque Intxausti ressortit au moment de la jonction. Les Garmin avaient déjà beaucoup travaillé et ne purent jamais reprendre le basque qui, comme l’an passé, a donc eu l’honneur de porter le premier maillot de leader.

La deuxième étape en ligne était en théorie la plus facile de la semaine. Cela s’est confirmé dans les faits, puisqu’aucun favori n’a tenté quoi que ce soit et qu’un peloton de 80 unités s’est joué la gagne. Idéalement lancé par Boasson Hagen, Matthew Goss filait vers un succès logique, mais ses jambes le trahirent dans les 500 derniers mètres. Les bosses du final l’avaient finalement plus entamé qu’Alejandro Valverde. Le murcian continue son impressionnante moisson de victoires cette saison. Il devance en prime son équipier Rojas pour un doublé Movistar.

Le lendemain, les grimpeurs avaient rendez-vous avec la traditionnelle montée d’Eibar-Arrate. Mais auparavant, il fallait venir à bout de plusieurs difficultés dont un col de première catégorie à 30 kms de l’arrivée. Dans cette ascension, les Rabobank se mirent à la planche pour faire exploser le peloton. Mission réussie lorsqu’un groupe de 23 unités bascula au sommet avec une petite marge sur certains favoris comme les deux Lotto Van den Broeck et Vanendert, le basque Nieve, F.Schleck, Costa, mais surtout Tony Martin et Valverde ! Cette petite marge se transforma bientôt en bonne minute sous l’impulsion des néerlandais et des Euskaltel, mais aussi de Contador en personne ! Au pied des 10 kms de montée finale, Kiserlovski est le premier à attaquer, et fait vite le trou car son offensive n’est pas prise au sérieux. Il faut attendre les 2300 derniers mètres pour voir du mouvement dans ce groupe. Il est l’œuvre de Luis León Sánchez, qui attaque quand Mollema s’écarte après un long relais. Mais l’espagnol doit vite se rasseoir et se fait alors contrer par Contador et Anton. Les deux compères ne font toutefois pas la différence car Wiggins et Albasini font le boulot au train pour RadioShack. Mais ce n’est qu partie remise car le Pistolero en remet une 500 mètres plus loin. Il bouche sa minute de retard sur Kiserlovski en quelques instants pour faire coup double : étape et maillot de leader. Le reste de la meute est légèrement abbatu par cette démonstration, même si Wiggins et Sánchez peuvent encore espérer grâce au chrono final. Boasson Hagen, lui, a concédé qulques précieuses secondes dans les deux derniers kms.

Spoiler:

Les coureurs débutent cette deuxième moitié de semaine par une nouvelle arrivée en bosse, dont les derniers 600 mètres sont à 16% de moyenne. Une échappée de gros noms prend de nouveau le large et oblige les Saxo à mener la chasse assez tôt. Seulement, à 40 kms du but, Contador est déjà isolé et doit tout de même rouler en tête d’un petit peloton pour éviter un retour de De la Fuente au général. Le madrilène s’y contraint quelques kms avant de se relever. Il sait que d’autres équipes ont également intérêt à rouler, et celles-ci prennent en effet leurs responsabilités. Quelques attaques des favoris finissent de ramener De la Fuente dans le peloton sous la banderole des 7kms, dans les premiers kms de montée. Ce long faux plat menant au dernier mur convient d’ailleurs parfaitement aux qualités de Luis León Sánchez, qui place une banderille à 5 kms du sommet. L’espagnol a des jambes de feu aujourd’hui. Il gère ensuite parfaitement son effort pour résister au retour d’un Contador encore une fois au-dessus du lot dans le final. Derrière le Pistolero, les dégâts sont en revanche plus importants et permettent à Sánchez et Contador de s’isoler pour la victoire finale. À eux deux, ils cumulent les 4 derniers titres de champion d’Espagne ainsi qu’un titre mondial du chrono. Le duel promet donc avec seulement 5 secondes qui séparent les deux hommes, à l’avantage du madrilène.

Avant cela, il restait tout de même une dernière étape escarpée mais qui n’a pas débouché sur la bataille espérée. Il faut dire que le dernier sommet placé à 20 kms de l’arrivée n’était pas le plus propice aux attaques. Quelques favoris comme Contador, Kreuziger et Anton ont bien pris une minute de marge dans l’ascension avant de se faire revoir. Nibali a aussi été l’auteur d’un beau numéro dans la descente, mais l’italien s’est fait reprendre dans les 5 derniers kms. Les favoris ont donc coupé la ligne dans le même temps, à distance de l’échappée victorieuse. Les trois attaquants matinaux se sont en effet disputés la victoire au sprint. Barredo avait bien tenté de forcer la décision avant, sachant qu’il n’avait aucune chance en cas d’arrivée à trois, mais Cameron Meyer et Mikhail Ignatiev n’étaient pas les premiers venus. L’australien remporte au final l’étape assez facilement, la première victoire de la semaine qui échappe aux espagnols.

Le contre-la-montre final doit donc ordonner le général, puisque 11 coureurs se trouvent encore dans le même temps, seulement 5 secondes derrière Intxausti. Tôt dans la journée, Tony Martin prend évidemment la tête des opérations, mais l’allemand a réalisé un chrono moyen pour lui car il ne devance Thomas que de 17 secondes et Boasson Hagen d’une seulement. Wiggins, lui, pouvait espérer monter sur le podium mais se rate complètement en finissant derrière Van den Broeck, Costa et même Schumacher. L’ex-banni rapporte de gros points à Cofidis grâce à la 7ème place obtenue au final. L’allemand termine juste derrière Intxausti qui, malgré une belle 12ème place sur le chrono, rétrograde au général. C’était même prévisible, car Kreuziger et Porte sont de meilleurs rouleurs et terminent respectivement 4ème et 5ème du général. Nibali, lui, confirme ses progrès dans la discipline en montant sur le podium final, certes loin derrière Sánchez et Contador. Le duel entre les deux hommes a d’ailleurs tourné court au vu de la performance du leader des Rabobank. Dans un grand jour, le murcian s’est même permis de devancer le champion du monde de la spécialité ! Il retrouve ainsi son titre acquis en 2012 et perdu en 2013.

Spoiler:

Paris-Roubaix, ses pavés, son vélodrome, sa légende… La réputation de l’Enfer du Nord n’est plus à faire et hante les rêves de tous les flahutes. Ce rêve peut cependant vite se transformer en cauchemar si la malchance décide de s’en mêler le jour J, ou si les jambes ne répondent pas car il faut évidemment être très costaud pour s’imposer au bout de ces 257 kms. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les deux derniers vainqueurs avaient aussi remporté Milan – San Remo quelques semaines auparavant. En 2012, la sélection s’était faite par l’arrière jusqu’au secteur de Cysoing, à 27 kms du but, où Ballan, Boonen, Cancellara, Flecha et Breschel avaient forcé la décision. Les cinq hommes s’étaient finalement disputé la victoire au sprint, et Boonen avait pris sa revanche du Tour des Flandres devant Cancellara et Ballan. En 2013, en revanche, le groupe de favoris avait explosé bien plus tôt dans la course. Après des kms animés par de multiples attaques d’outsiders depuis Arenberg, c’est dans le secteur de Pont-Thibaut qu’Offredo et Cancellara avaient fait parler leur classe. Le français faisait même vite craquer au train Spartacus, pourtant grand favori de l’épreuve. S’était alors engagé un bras de fer de plus de 40 kms entre lui et Breschel, qui n’avait pas voulu répondre à l’attaque. Le danois avait grappillé seconde par seconde, et n’était revenu dans le sillage d’Offredo que sur le vélodrome. Il n’avait ensuite eu aucun mal à contrer son adversaire au sprint. Cancellara avait complété le podium à plus de deux minutes.

La course s’annonce de nouveau ouverte cette année, même si l’on dégage 4 favoris logiques. Offredo est peut-être celui qui a le plus impressionné sur les pavés depuis le début de saison même si cela ne s’est pas concrétisé par une victoire. Cancellara non plus n’a pas levé les bras, mais il a toujours été dans le bon coup et son vécu sur cette course parle pour lui. Enfin, Van Avermaet et Breschel sont de redoutables finisseurs de par leur pointe de vitesse. On retrouve en embuscade une grosse dizaine de noms, dont les plus cités sont ceux de Ballan, Chavanel, Vanmarcke et Pozzato, au vu de leur forme actuelle. À noter que Peter Sagan n’a pas fait le déplacement, lui qui s’avoue fatigué par un début de saison chargé.


La première heure de course est avalée à vive allure car les trois formations de favoris ont la même stratégie : les RadioShack, FDJ et Rabobank veulent chacune placer un coureur dans l’échappée sans que leurs adversaires y soient. Les BMC et les Sky, eux, roulent dès qu’un gros contingent prend quelques mètres. Ce n’est donc qu’après 75 kms de lutte qu’un groupe de 8 peut enfin se former, composé de Sprick, Vorganov, Ramón, De Baere, Mouris, des jeunes français Ruffin et Calet, et surtout de Tony Gallopin ! C’est déjà un joli coup réalisé par les Rabobank qui n’auront pas besoin de chasser. L’entente est cependant loin d’être parfaite à l’avant. Dès les premiers secteurs, le champion de France se rend compte qu’il est bien plus à l’aise que ses camarades en prenant quelques mètres sans le vouloir. Après s’être relevé à trois reprises, il décide de partir seul. Gallopin s’embarque dans une drôle d’aventure car il reste encore 135 kms, soit plus de 3 heures d’effort solitaire. Pendant ce temps, Van Avermaet crève dans le peloton. Ce n’est pas bien grave car le rythme est encore très modéré. Mais à force de se préserver, l’avance de Gallopin monte à 9 minutes à 120 kms de l’arrivée. Le français est tout de même un client à ne pas négliger, preuve en est avec ses deux derniers Tour des Flandres achevés 9me et 12ème. Les Sky, BMC, FDJ et RadioShack doivent donc forcer l’allure.


Sous l’impulsion de ces formations, le peloton explose puisqu’ils ne sont déjà plus que 63 à l’entrée de la Tranchée d’Arenberg ! Mais Gallopin, qui gère parfaitement son effort, est passé dans cette mythique trouée 7 minutes auparavant. Il faut donc encore durcir la course. 20 kms plus loin, cet écart n’a pourtant toujours pas diminué et les favoris n’ont plus beaucoup d’équipiers à leurs côtés, excepté l’armada BMC qui attend en second rideau. La FDJ se retrouve désormais seule à rouler et Offredo commence à s’inquiéter franchement de cette situation. Arrivé à Beuvry-la-forêt, il prend place sur le haut du pavé, écrase les pédales et distance le reste du groupe ! Le français tente un coup de poker comme l’an dernier, mais cette fois d’encore plus loin et il y a du monde pour rouler à sa poursuite. Pour RadioShack, Rast et Cancellara se mettent notamment à la planche. Les deux suisses réduisent le peloton à 30 unités, pourtant Offredo est assez costaud pour porter son avance à une minute. C’est alors le branle-bas de combat parmi les favoris. Presque tous mettent la main à la pâte pour revenir, excepté Boom et Breschel qui comptent toujours sur Gallopin à l’avant.


Le jeune français n’est toutefois plus en tête pour longtemps. Les kms passés à l’avant se font sentir un peu plus à chaque coup de pédale. La pluie qui s’abat par averses fatigue les organismes et rend les pavés dangereux pour ceux en manque de lucidité. Dans le secteur cinq étoiles de Mons-en-Pévèle, la différence le coup de pédale heurté de Gallopin et celui tout en souplesse d’Offredo en devient flagrante. Quelques kms plus loin, soit à 40 bornes de Roubaix, le leader des FDJ est déjà revenu sur l’homme de tête ! Le duo possède 50 secondes d’avance sur les 23 hommes forts qui se sont dégagés à leur poursuite. Tous les favoris sont là même si quelques outsiders comme Haussler et Turgot manquent à l’appel. Boonen est également distancé, c’est triste pour l’ancien champion. Évidemment, devant, Gallopin ne passe aucun relais à Offredo malgré l’insistance de ce dernier. Celui-ci en oublie alors le but premier de son offensive, temporise, relance, s’énerve, et voit finalement le retour du groupe des favoris dans les kms qui suivent.


Ce n’est cependant pas le moment de se relâcher, car Lars Boom ne veut pas laisser de temps mort et contre deux kms plus loin, à la sortie du secteur de Pont-Thibaut ! Offredo saute dans sa roue tandis que Van Avermaet et les Sky se replacent en tête de groupe et font l’effort. Mais le leader des FDJ a toujours en tête son altercation avec Gallopin et refuse à son tour d’aider Boom. Le duo rentre donc vite dans le rang. Ce n’est que partie remise pour le champion des Pays-Bas qui, après quelques kms dans les roues, repasse à l’attaque. Chavanel et Langeveld veulent le suivre mais Boom souhaite visiblement partir seul. Il fait mine de se relever pour relancer de plus belle. Cette fois, le trou est fait ! Boom entame donc les 30 derniers kms et le secteur de Cysoing avec une dizaine de secondes sur Hushovd, et le double sur le reste des favoris. La situation est pour l’instant idéale pour Breschel, qui n’a pas eu besoin de mettre le nez à la fenêtre depuis le départ. Intercalé, et donc dans une position inconfortable, le norvégien de la BMC fait le forcing pour revenir vite sur l’homme de tête. Il y parvient mais le secteur est long et Hushovd a présumé de ses forces. À peine revenu, il explose donc devant la puissance du grand néerlandais. Van Avermaet tente lui aussi de sortir en profitant du bas-côté, mais Breschel joue parfaitement son rôle de chien de garde. Boom retrouve donc le bitume avec toujours une demi-minute d’avance et se dirige à toute allure vers Camphin-en-Pévèle.


Cancellara et Chavanel tentent d’organiser la poursuite, mais beaucoup d’outsiders se cachent dans les roues des favoris, profitant de leur travail depuis de nombreux kms. Cela ne plait pas à Cancellara, Ballan, Van Avermaet et Offredo, qui ont pris leurs responsabilités avec leurs équipes, mais qui hésitent désormais à se livrer à fond. L’écart n’a donc toujours pas diminué alors que l’homme de tête aborde le Carrefour de l’Arbre, dernière grosse difficulté de la journée. Cancellara sent que la victoire est en train de lui échapper. C’est sa dernière chance de créer des écarts, il accélère donc dès les premiers pavés, emmenant seulement avec lui un Pozzato planqué depuis le départ. Même dans cette situation, l’italien ne veut toujours pas relayer le suisse, il ne s’agirait pas de faire mentir sa réputation sur un coup de folie ! Mais cette fois on peut le comprendre car Breschel est en train de ramener tout le monde. Ou presque. En effet, Offredo fait les frais de cette accélération et de son offensive passée en perdant le contact ! 13 coureurs se regroupent donc en sortie du secteur, mais plus personne ne veut faire l’effort pour les autres sur le bitume. Boom reprend donc un peu de marge avant que Chainel ne place un démarrage. Le français compte sur un marquage entre les favoris, mais c’est raté car Ballan, Breschel et Nuyens sautent dans sa roue.


Chavanel et Van Avermaet prennent immédiatement en main la poursuite mais en ont visiblement plein les pattes. Le groupe de contre prend donc rapidement une petite marge de manœuvre qui les place en position de force. Ballan décide de jouer son va-tout sur l’avant-dernier secteur en plaçant un contre, mais Breschel ramène une nouvelle fois le reste du groupe avant de se remettre dans les roues, ralentissant la chasse derrière Boom. Ce quatuor passe tout de même sous l’arche des 10 kms avec 45 secondes d’avance sur leurs anciens compagnons, mais une minute de retard sur la tête de course ! Même s’il faiblit dans ce final, la victoire tend les bras à Lars Boom. Le néerlandais se bat pour entrer en tête sur le vélodrome. Mais il en est récompensé. Le public ne s’y trompe pas, il lui réserve une ovation après cette démonstration solitaire de 30 kms. Boom vient de remporter son premier monument, la plus belle victoire de sa carrière ! À peine quelques secondes derrière, on retrouve Matti Breschel. Plus frais que ses adversaires, il a profité du secteur de Hem, habituellement anecdotique, pour distancer ses compagnons de chasse. Le danois termine encore une fois deuxième d’un monument, mais aujourd’hui il peut savourer cette course d’équipe parfaite. Pour la troisième place, la tactique est de mise. Chainel est en tête dans les derniers kms mais ne veut pas se lancer de loin. Le trio au ralenti voit alors un surprenant Terpstra revenir du diable vauvert sous la flamme rouge, mais qui ne pourra pas faire l’effort supplémentaire lors du sprint. Chainel est lui aussi scotché, au contraire de Ballan qui renoue donc avec un podium à Roubaix. Revenu de l’arrière au courage dans les 10 derniers kms, Offredo trouve quant à lui les ressources pour régler le groupe des battus. Il a été le dynamiteur parmi les favoris mais n’en a pas été récompensé.


Ainsi s’achève le chapitre 2014 des Flandriennes, qui aura réservé quelques surprises mais aussi fait apparaitre une hiérarchie plus floue entre les cadors. Preuve en est avec cette statistique : il faut remonter à 2003 pour voir à la fois Boonen et Cancellara repartir fanny du tryptique GP E3 – Tour des Flandres – Paris – Roubaix, une autre époque !

Spoiler:

Finies les Flandriennes, place aux Ardennaises ! La première de ce triptyque se court dans le Limbourg néerlandais, j’ai nommé l’Amstel Gold Race. Depuis 2003, les organisateurs avaient tracé la ligne en haut du Cauberg, avant de la repousser d’une dizaine d’hectomètres lors de la dernière édition. Cela n’avait toutefois pas été décisif, puisque Gilbert avait forcé la décision à 15 kms de l’arrivée. Il n’avait plus été inquiété par la suite, s’imposant largement devant Boasson Hagen et Wegmann. Ce titre complétait sa collection démarrée en 2010 et 2011, mais interrompue en 2012. Cette année-là, il n’avait pu faire mieux que 3ème, battu au sprint par Fränk Schleck et Mollema. Le néerlandais avait profité d’un gros travail de Paul Martens pour lever les bras sur ses terres. Mollema a donc de bons souvenirs ici, et devrait voir d’un bon œil le retour de l’arrivée classique, juste en haut du Cauberg.


Le leader des Rabobank peut être considéré comme l’outsider n°1. Il est en effet le seul à avoir mis en échec Gilbert depuis trois ans. Au vu de sa forme actuelle, Valverde est également un sacré client, au même titre que Vanendert, Kreuziger, Wegmann, Albasini, Gerrans, Contador et des frères Schleck. Malgré un début de saison déjà bien chargé, Sagan et Van Avermaet sont également présents avec des ambitions. Mais le titre de super-favori revient bien sûr à Philippe Gilbert, lauréat de 7 des 9 dernières ardennaises.


Le scénario de début de journée est habituel pour une classique. Des groupes se forment et se reforment avant que le peloton lâche enfin du lest après une heure de course. Les coureurs locaux ont réussi à placer un des leurs dans le groupe de tête, en la personne de Vermeer, accompagné de Montaguti, Eijssen, Busche, Lloyd et Astarloza. Au premier passage sur la ligne, l’écart est de 4 minutes et va atteindre le double à 130 kms du but. Les RadioShack d’Albasini et Fränk Schleck et les Lotto de Vanendert suppléent alors les BMC en tête de peloton. Puis les Rabobank et les Sky viennent accélérer une fois le cap des 150 kms franchis, avant que les RadioShack reprennent le commandement, mais ce rythme ne fait craquer que quelques coureurs isolés puisque le peloton est encore compact de 170 unités à l’abord des 40 derniers kms. Il faut une attaque de Rui Costa à 27 kms de Valkenburg pour enfin voir de l’action sur cet Amstel Gold Race.


L’échappée possède alors 1’30’’ de marge, mais cet écart fond comme neige au soleil maintenant que Costa, Vichot, Gerrans et Hoogerland sont lancés à leur poursuite. Ce groupe ne va pas bien loin, mais le portugais aura eu le mérite de lancer la grande bagarre. Tour à tour, F.Schleck, Sagan, Dan Martin, Van Avermaet et Kreuziger tentent leur chance, tandis que Martens et Evans se chargent de durcir le tempo du peloton. Sous l’impulsion du tchèque, un trio dangereux avec Gilbert et Sagan se détache dans le Kruisberg, mais ne s’entend pourtant pas et se fait vite reprendre. Puis Contador et Vichot attaquent mais se font contrer par Breschel dans la descente de l’Eyserbosweg. Le danois aborde les premières pentes du Fromberg, soit les 13 derniers kms, avec une grosse dizaine de secondes d’avance, clairement insuffisant face à la puissance de Kreuziger, qui ramène une soixantaine de coureurs sur la tête de course. Les favoris sont donc encore groupés et seuls quelques outsiders comme Samuel Sánchez et Monfort sont distancés. Après 220 kms soporifiques, il n’y a désormais aucun temps mort. Dans les passages à 16% du Keutenberg, Wegmann, 3ème l’an dernier, veut accélérer mais il faut attendre des pourcentages moins sévères pour voir un groupe avec les remuants Sagan, Kreuziger et Contador faire de nouveau la différence.


Après avoir tenté sans succès, Breschel se met désormais au service de son équipe en se plaçant en tête de peloton. Tout le monde est revu après deux kms de poursuite, excepté Sagan qui prolonge de belle manière l’aventure en solo. Mais le danois n’est pas aussi à l’aise que sur les pavés, il ne reprend rien au champion du monde. C’est pourquoi Kreuziger reprend les rênes du groupe. Mais cela ne va toujours pas assez vite au goût de Gilbert, qui accélère à 7 kms du pied du Cauberg. Le surprenant Vichot veut également faire la jonction avec le duo de tête mais lui n’est pas assez puissant. Devant, Gilbert, récupère un km dans la roue de Sagan avant de le crucifier dans les faux plats menant à Valkenburg. Derrière, c’est le branle-bas de combat. Kreuziger fait décidément une très forte impression en se détachant du reste du groupe, tandis que Gerrans, Vanendert, Hoogerland, Van Avermaet et Andy Schleck ne parviennent pas à faire la différence. D’autres équipes tentent de s’organiser, à l’image des RadioShack et des Rabobank. Breschel, Sagan et Cancellara sont désormais alliés de circonstances dans cette poursuite. Les 3 hommes sont efficaces et, sous la banderole des 5 derniers kms, Kreuziger doit s’incliner. Gilbert possède lui toujours une centaine de mètres d’avance sur le gros des favoris. Valverde, Dan Martin et Nibali sont plus loin, ils n’ont pas pu suivre toutes ces accélérations.


Dans la dernière descente, Sánchez, prend tous les risques. Grâce à son travail, Gilbert est finalement repris à 3 kms du but, reste à savoir s’il a gardé assez de forces pour disputer le sprint à ses 23 adversaires. Le belge bataille en tout cas avec Andy Schleck et son ancien équipier Vanendert pour prendre la roue de Sánchez et Mollema. Cancellara est également en embuscade malgré le boulot effectué depuis le matin. Le vainqueur du Tour du Pays Basque s’écarte au pied de l’ultime bosse, et aussitôt le néerlandais doit lancer son sprint de loin sous la pression de ses adversaires. Mollema s’est moins montré que Gilbert dans ce final, mais bien lui en a pris car il est plus frais que lui dans ces derniers hectomètres. Le belge explose au plus fort de la pente. Schleck résiste plus longtemps, mais Mollema finit par faire la différence dans les 400 derniers mètres. Il lève les bras pour la deuxième fois ici et poursuit le mois d’avril exceptionnel de sa formation ! Après Fränk en 2012, c’est au tour d’Andy de subir la loi de Mollema. Van Avermaet est lui revenu de nulle part dans les derniers mètres pour compléter le podium, devant les surprenants néerlandais Hoogerland et Westra ! Vacansoleil marque donc des points précieux en vue du maintien. D’autres surprises sont présentes dans les 10, comme Machado et Breschel. Le danois diversifie encore un peu plus son terrain de chasse, il peut maintenant prendre un repos bien mérité. Après avoir travaillé toute la journée, les RadioShack signent eux un gros tir groupé aux portes du top 10, devant leur leader désigné, mais c’est toujours mieux que Kreuziger, qui va devoir se canaliser s’il veut briller sur la Flèche et la Doyenne.

Spoiler:

Depuis plusieurs saisons, le tour du Trentin a fait son trou au sein du calendrier international. Il est devenu une épreuve privilégiée pour les jeunes italiens pour y affronter une belle concurrence, et un passage révélateur de la forme de certains prétendants à quelques semaines du Giro. Évidemment, réussir dans le Trentin ne signifie pas en faire de même au Tour d’Italie, mais c’est tout de même un bon indicateur. Ainsi, en 2012, Basso dominait la concurrence et l’emportait devant Scarponi. Au terme du Giro, ils occupaient également deux places du podium. L’an dernier, Seeldraeyers s’était révélé lors d’un numéro solitaire exceptionnel de plus de 100 kms sur la 3ème étape. Il avait ensuite résisté aux favoris le lendemain. Sur le Tour d’Italie, il avait confirmé en réalisant une très bonne 3ème semaine, bien qu’il ait perdu beaucoup de temps auparavant. Le futur vainqueur, Gesink, avait aussi pris ses marques en accrochant le top 5 pour sa course de reprise. Mais d’autres considèrent aussi ces 4 jours comme une épreuve à part entière. On pense bien sûr aux italiens, mais aussi à Wiggins, qui avait dominé les autres favoris l’an dernier et buté de peu au général. Il s’était ensuite reposé jusqu’au Dauphiné avant de remporter un second Tour de France. Sørensen et Brajkovic avaient aussi brillé en 2012 sans pour autant participer aux trois semaines italiennes derrière. Enfin, d’autres programmes leur pic de forme trop tôt et explosent un mois plus tard. C’était le cas de Henao en 2012, et surtout de Fuglsang l’an dernier. Le danois avait été le seul à tenir tête à Wiggins, mais avait fini le Giro au-delà de la 20ème place.

Quoi qu’il en soit, le Tour du Trentin est souvent spectaculaire. Cela promet d’être encore le cas cette année avec un plateau relevé. Les deux tenants du titre sont présents au côté de la tête d’affiche Vincenzo Nibali. Outre le duo déjà cité, le Requin de Messine aura pour principaux adversaires Pozzovivo, Cataldo, Talansky, Kruijswijk, Capecchi et Chris Anker Sørensen. On suivra également la première confrontation avec les ténors du jeune irlandais d’Utensilnord, Graham Marks, qui ne cesse de progresser sur des courses au pedigree moins important.

Comme tous les ans, les coureurs débutent par un contre-la-montre. Mais pour une fois, ils ne peuvent pas compter sur leurs équipes car ils sont seuls face au chrono. Sur ce parcours de 11 kms, les premiers arrivants se battent à coup de secondes, jusqu’à l’arrivée de Posthuma. Ce spécialiste des prologues ne fait pas dans le détail en rejetant Ludvigsson à 43 secondes ! Le suspense est déjà quasiment tué. On s’intéresse désormais aux favoris du général. Le plus mal en point est Pozzovivo, leader des Colnago, qui termine à 1’36’’ de Posthuma. Capecchi et Basso ne font pas bien mieux, à plus de 1’25’’ du leader. C’est moins pire pour Sørensen, Seeldraeyers et Kruijswijk, à environ 1’15’’ de Posthuma. Cataldo et Talansky terminent eux dans le même temps, aux alentours de la 25ème position. C’est nettement mieux pour le jeune Marks, qui échoue eux portes du top 10, et prend déjà une quinzaine de secondes sur tous ses adversaires. Tous, sauf un. En effet, alors qu’il fermait le portillon, Nibali a failli créer la surprise.  Le pauvre Seeldraeyers s’est presque fait humilier par le Squale dans le dernier km. Cela confirme aussi les progrès de Nibali dans la discipline : aujourd’hui, il échoue à seulement 10 secondes de la première place, rejetant les autres grimpeurs à plus d’une minute !

Cette deuxième étape mène les coureurs en haut de l’Alpe di Pampeago, pour une première explication entre grimpeurs. Ce profil convient tout à fait à une course de côte, l’ascension finale de 8 kms étant abordée par des faux plats montants durant 60 kms. Pourtant, dès ces premières côtes, plusieurs favoris accélèrent. Cataldo, Sorensen, Capecchi, Atapuma, Stortoni, Sella et Bardet se lancent dans une opération très risquée mais leur nombre oblige les équipiers de Nibali et Talansky à perdre de précieuses forces dans la poursuite. Le tenant du titre Seeldraeyers se montre très nerveux, il part en contre-attaque à 15 kms du pied de l’ascension et s’impose un gros effort pour boucher les 3 minutes qui le séparent de la tête de course ! En tête de peloton, Basso et Formolo prennent les rênes du groupe et réduisent l’écart à 1’30’’ à 12 kms de l’arrivée. Mais alors que les premiers lacets sont encore à 4 kms, Nibali passe déjà à l’offensive. Le sicilien revient vite sur les hommes de tête avec Geniez et Bonnafond, 6ème du général l’an dernier. Dans le peloton, Talansky, Kruijswijk et Pozzovivo vont avoir du mal à rentrer sur ce groupe de 15. Devant, Nibali et Seeldraeyers prennent en charge la totalité des relais. Cataldo, Sella et Geniez craquent les premiers après seulement un km. L’écart s’accroit régulièrement avec le peloton mené par le jeune Marks. L’irlandais passe même à l’attaque sous la banderole des 5 kms ! Il ramasse les morts qui n’ont pu suivre le rythme de Nibali. Les RadioShack, eux, adoptent une stratégie discutable : tous, y compris Talansky, s’adaptent au rythme du leader Posthuma, l’américain va perdre gros aujourd’hui, par exemple sur Bardet, Atapuma et Sørensen qui étaient les derniers à résister au duo Nibali-Seeldraeyers, mais finissent par craquer à moins de 3 kms du but. Seeldraeyers les imite un km plus loin. Nibali a écœuré tous ses adversaires au train, il file vers la victoire et peut prendre le temps de savourer dans les 500 derniers mètres, le tour est quasiment dans sa poche. Les écarts creusés sont énormes quand on voit que Seeldraeyers est déjà pointé à 2’40’’ au général ! Le suspense réside finalement dans le classement des jeunes, où Marks devance Bardet de 8 secondes à la faveur du chrono. Sur cette montée, Bardet signe d'ailleurs sa première performance marquante chez les pros. Les grands perdants du jour se nomment Talansky et Pozzovivo, 16ème et 17ème à 4’53’’, Cataldo à 5’26’’, et surtout Kruijswijk, qui a peiné dans l’ascension et termine 26ème à 5’57’’ de Nibali.