[Récit de l'année 2013] [*****] Rabobank Cycling Team 2014 3/3

Plus ancienne que sa voisine néerlandaise, la Flèche Wallonne a vu son importance diminuer depuis qu’elle est placée au cœur de la semaine ardennaise. Moins difficile que La Doyenne et l’Amstel, elle est aussi plus courte, seulement 200 kms. Le scénario se résume souvent à une course de côte sur les pentes du célèbre Mur de Huy où un peloton encore conséquent se dispute la victoire. Cela avait encore été le cas l’an dernier, où les attaques dans le final n’avaient pu décanter le peloton. Une soixantaine de coureurs s’étaient expliqués et, parfaitement lancé par Martens, Mollema empochait la victoire au nez et à la barbe de Gilbert. Monfort avait surpris en complétant le podium. Le scénario de 2012 fait lui figure d’intrus. Parti dans un groupe à mi-course, Wiggins avait résisté presque jusqu’au bout et ne s’était incliné que face à Gilbert et Albasini, le belge l’emportant de justesse. Mais les deux hommes avaient également anticipé le mur final de 5 kms en partant avec Vinokourov et Mollema. Si le kazakhe avait résisté au retour du peloton, le néerlandais avait échoué hors du top 10. Ce n’était que partie remise…

Les suiveurs attentifs de l’Amstel ont d’ores et déjà une bonne idée des forces en présence pour cette classique wallonne. Depuis trois ans, Gilbert et Mollema se partagent les succès. Si le belge s’est montré impressionnant en attaquant à de multiples reprises, Mollema a été plus malin et son démarrage sur les pentes du Cauberg a laissé une forte impression. Sagan et Kreuziger ont également fait étalage de leur forme, mais devront plus compter leurs efforts pour avoir une chance de l’emporter. Van Avermaet a encore franchi un cap cette saison et semble prêt à s’offrir une ardennaise sur ses terres, après deux flandriennes. D’autres ont toujours été réguliers ici, que ce soit les frères Schleck, Vanendert, Gerrans, Albasini, Valverde, Contador, et même Tony Martin, dont le gabarit n’est pourtant pas adapté à cet effort mais qui tire toujours son épingle du jeu ici.  


Pour une fois, les 5 membres de l’échappée matinale n’auront pas eu à forcer longtemps pour partir. Les belges Keisse et Pauwels sont accompagnés de Velasco, Pavarin et Pichon. Dans le premier passage du Mur de Huy, ces cinq-là peuvent apprécier le fort vent de dos qui va aider les coureurs à franchir ces pourcentages toujours impressionnant du mur final. Comme lors de l’Amstel, les RadioShack sont les premiers à faire descendre l’écart à partir de la mi-course. L’avance des fuyards n’est plus que de 3 minutes quand Maxime Monfort, 3ème l’an dernier, décide cette fois d’anticiper les débats à 60 kms de l’arrivée. Brambilla l’accompagne dans sa tentative. Pendant ce temps, les Rabobank augmentent l’allure à l’approche des premières vraies difficultés.


Le duo de contre fait vite le trou, ce qui pousse la Sky et RadioShack à envoyer Boasson Hagen et Cancellara rouler en tête de paquet. Dès lors, ça ne rigole plus dans les roues. Puis Henao et Uran viennent également aux affaires. Ils étirent le peloton dans la côte de Bousalle, avant de le  faire exploser lors du second passage du Mur de Huy. Comme chaque année, il faut être bien placé pour éviter les cassures, mais cette fois aucun favori n’est piégé. En revanche, deux des favoris du jour, Vanendert et Van Avermaet, en profitent pour prendre la poudre d’escampette. Le duo se dépouille pour creuser l’écart car il faut être très costaud pour résister, les rafales étant de dos sur cette portion plate. Mais les deux compères ne se posent pas de question. Lancés à plus de 60 km/h, ils reviennent d’abord sur Monfort, puis le lâchent et fondent sur Brambilla à 17 kms de l’arrivée. Le peloton, très étiré, est secoué par quelques attaques comme celles de Sagan et Tony Martin, mais pointe à 50 secondes. Gilbert prend ses responsabilités en assurant une bonne part des relais avec Costa, Albasini et Cancellara.


Pour revenir vers Huy, la course fait alors un virage à 180° et prend le vent de face. Cela n’impressionne pas Gerrans et Sagan qui tentent de partir en contre, mais ils sont vite ramenés à la raison par Cancellara et Gilbert. Dans la côte de Villers-le-Bouillet, la fatigue rattrape également Vanendert et Van Avermaet qui se font avaler par la cinquantaine de coureurs du peloton. Ils ne pourront sûrement plus jouer la gagne aujourd’hui. Tout le monde cherche à se placer dans cette avant-dernière difficulté, mais certains comme Mollema et Contador ne peuvent plus compter que sur un équipier chacun face notamment à l’armada RadioShack présente en nombre. Dans les derniers hectomètres de la côte, Kreuziger et Andy Schleck passent à leur tour à l’attaque. Le tchèque a réussi à se contenir 190 kms, mais ne peut finalement pas aller contre son tempérament offensif. D’autres tentent de les suivre sans succès, tandis que Gilbert continue de prendre des relais impressionnants. Le peloton se coupe encore en deux et cette fois Costa, Wiggins, Roche, Westra, Cancellara et Samuel Sánchez sont distancés. Les attaques continuent dans la descente vers Huy, Albasini, Ulissi et Anton s’y essayent mais Gilbert, toujours lui, provoque un regroupement général à 7 kms du but.


À peine la jonction effectuée, Sagan place un contre. L’attaque est tranchante, alors Gerrans, Hermans et surtout Gilbert y vont aussi. Il faut donc se réorganiser rapidement derrière. Certains comme Mollema et Hoogerland trainent en queue de groupe et ne parviennent pour l’instant pas à remonter. Mais Contador a lui encore des ressources. Il prend ses responsabilités et ramène le groupe sous la banderole des 3 kms. S’en suivent alors 1500 mètres moins intenses où les 23 coureurs du groupe veulent récupérer un peu avant l’explication finale. Mollema en profite pour revenir se positionner dans le sillage de Gilbert, Sagan, Valverde et Vanendert au pied du mur. Dès les premiers mètres de montée, Gilbert se fait déposer par le démarrage surpuissant de Sagan. Mais l’adage dit qu’il faut être patient, que le premier attaquant n’est pas le premier en haut du mur, et cela se vérifie encore aujourd’hui. Le champion du monde s’est vu trop beau. Il explose à 800 mètres du sommet. Valverde prend la relève, toujours suivi de près par Vanendert, Mollema, Schleck et Gilbert, qui ne s’est pas affolé après l’attaque précoce de Sagan. Il ne faut pas fournir son effort trop tôt au risque de se faire contrer dans les derniers mètres. Tout le monde l’a bien compris mais de toutes façons, peu arrivent à suivre Valverde. Vanendert est le premier à craquer, quelques mètres avant Gilbert. À 500 mètres du sommet, Fränk Schleck perd à son tour quelques mètres tandis que Contador revient fort ! Mais la victoire se joue devant. À 300 mètres de la ligne, Mollema se décale et produit un dernier effort. Comme sur l’Amstel, il ne laisse aucune chance à ses rivaux et s’en va conquérir sa deuxième Flèche Wallonne ! Valverde et Contador complètent le podium. Philippe Gilbert a encore dû fournir beaucoup d’effort avant le sprint final et le paye en accrochant tout juste le top 5. Vichot montre enfin un bout de son potentiel en accrochant le premier top 10 français sur une ardennaise depuis Le Mével en 2011, et Hoogerland confirme lui sa bonne forme en entrant de nouveau dans les dix.

Spoiler:

Après sa déconvenue de la veille, Kruijswijk est motivé pour se racheter en allant dans l’échappée aujourd’hui. Malheureusement pour lui, ils sont nombreux à avoir la même idée et il faut attendre le premier col du jour pour voir un groupe de 8 se former. Kruijswijk est bien présent avec l’ancien champion d’Italie Marcato, Kaisen et Santaromita notamment. Leur avance monte jusqu’à 8’30’’ à 90 kms de l’arrivée avant que les Astana ne la fassent baisser. Devant, beaucoup sautent des relais. Cette mésentente ne plait pas à Kruijswijk et Monsalve, qui décident de faire le forcing dès le pied du Passo del Erbe, l’ascension finale longue de 26 kms. Cette échappée aura tout de même du mal à aller au bout car le peloton, mené désormais par les Liquigas, est revenu à moins de 4’30’’. Le duo lutte en plus depuis plusieurs heures contre un fort vent qui souffle encore de face dans cette montée. Guillaume Bonnafond est le premier à tenter sa chance dans ce col, à 15 kms du sommet. Il revient en un rien de temps sur Kruijswijk et Monsalve mais le peloton est déjà sur leurs talons. Le français se débarrasse facilement de ses compagnons tandis que Pozzovivo secoue les favoris derrière. Mais Nibali reprend le travail entamé la veille. En l’absence du soutien de Basso, il se place en tête de groupe et fait exploser ce qu’il reste du peloton. Une mini-descente à 10 kms du sommet permet de récupérer un peu mais Kruijswijk, qui vient de se faire reprendre, n’est plus lucide et goute du bitume. Le néerlandais ne peut même pas voir Nibali se détacher du groupe à peine la route se cabre de nouveau. Seuls Pozzovivo et Seeldraeyers accrochent sa roue et reviennent sur Bonnafond. Pas pour très longtemps cependant, car Pozzovivo et Bonnafond craquent au bout de 500 mètres. Un lacet plus bas, Bardet attaque Marks pour le maillot blanc. L’irlandais prend ses responsabilités en roulant en tête de groupe avec Sørensen. Le français récupère lui le soutien de Bonnafond dans une seconde portion descendante, la lutte est engagée. Loin devant, Nibali a effectué toute la montée avec Seeldraeyers sur son porte-bagage, et donc protégé des rafales. On pense à un moment qu’il va laisser la victoire au belge, mais le Requin de Messine est insatiable. Sous la flamme rouge, son démarrage ne laisse aucune chance à son rival. Nibali réalise une démonstration. Est-t-il en forme trop tôt ? Lui dit qu’il a encore de la marge, c’est peut-être le plus inquiétant pour ses adversaires. Pozzovivo complète le podium de l’étape devant un Rujano qui refait enfin surface, près d’un an après sa dernière performance marquante. Bardet complète le top 5 et récupère le maillot blanc. Après avoir travaillé une bonne partie de la montée, Marks n’avait plus les forces pour revenir, il a même un peu craqué dans le dernier km. Kruijswijk en termine 11 minutes plus tard, il espérait sûrement mieux de cette course de reprise.

Une fois n’est pas coutume, c’est par une étape totalement plate que s’achève ce Tour du Trentin. Les sprinters n’étant pas légion, beaucoup y voient donc une chance d’aller au bout. Mais malheureusement pour les attaquants, Nizzolo et Modolo veulent briller devant leur public. Kruijswijk s’est aussi rendu compte qu’il devait retrouver le rythme, il tire donc des bouts droits en tête de peloton pour ramener ses sprinters Hathaway et Vermeltfoort. Sous la banderole des 5 kms, les trois attaquants sont ainsi repris mais désorganisent complètement les trains en place. Beaucoup de sprinters sont piégés, à l’image de Belletti, Hathaway, Adams, Wyss et Modolo. C’est donc une voie royale qui s’ouvre à Nizzolo, idéalement lancé par 3 équipiers. Il sort de la roue de son poisson-pilote sous la flamme rouge tandis que Modolo revient de nulle part sur la droite de la chaussée. Mais c’est un troisième larron qui tire son épingle du jeu. Dans les 400 derniers mètres, Chris Sutton déborde Nizzolo et s’en va chercher la première victoire de sa saison. Il faut dire qu’il n’a pas souvent sa chance avec des coéquipiers tels que Cavendish, Goss, Boasson Hagen ou Appollonio, mais aujourd’hui il en a bien profité.